Autour du rose d'enfer des animaux

Collage autour du téléthâtre cosmique «rose enfer des animaux»(1958) de Claude gauvreau

Le projet AREA est né d’une recherche-création sur la dramaturgie plurielle pilotée par Robert Faguy au LANTISS (FRQSC : 2014-2018). En mars 2018, le collectif DTT a pris en charge le projet avec une première proposition devant public dans le cadre du FTUL, puis en mai avec une résidence de création au Carrefour international de théâtre de Québec (Studio d’essai de Méduse). Les nombreux commentaires positifs des spectateurs présents (lire la critique d’Alain-Martin Richard – revue JEU) nous incitent à poursuivre l’aventure en le menant à un standard de diffusion professionnelle. Enfin, en septembre 2019, nous avons présenté une nouvelle étape du laboratoire à PHOS. 

TEXTE ORIGINAL

Le rose enfer des animaux est une œuvre écrite pour la télévision par Claude Gauvreau (1958). Ce « téléthéâtre cosmique » de facture résolument surréaliste fait valoir la langue exploréenne du poète. Prenant le prétexte d’une invitation à un grand banquet, plusieurs personnages-animaux sont invités par Domitien d’Olmansay à festoyer dans une orgie de poésie, de références artistiques, d’images incroyables, bref, un magnifique délire de l’imaginaire. L’originalité de l’écriture visuelle vient du fait que toutes les images sont filmées à travers les yeux et le point de vue de l’hôte du repas. Pour un aperçu des enjeux dramaturgiques et de ces délirantes didascalies qui rendent l’œuvre pratiquement immontable, vous pouvez consulter le site web www.dramaturgieplurielle.com (onglet AREA).

CONCEPT

Inspirée de ce téléthéâtre cosmique, Autour du Rose Enfer des Animaux (AREA) est une création installative et interactive qui invite le spectateur à prendre part à un banquet technologique surréaliste : robotique, video mapping, caméra live et câbles motorisés se déploient au service d’une expérience déjantée qui joue avec les perceptions.

Avec l’usage des technologies numériques, il est maintenant imaginable de représenter en spectacle ces séquences où, par exemple, « Ernest […] sort un squelette de la muraille lequel devient un corps gelé – puis un monsieur souriant qui tend sa carte d’invitation. » Il nous semble que l’expérience mériterait d’être vécue pleinement comme une sorte d’installation performative où les huit spectateurs masqués assis à la table jouent le rôle de chacun des protagonistes-animaux invités au repas (chamelle, zébu, moufette…). Quant à l’hôte (Domitien, un gorille), son rôle est tenu par une marionnette robotisée qui tourne la tête vers les personnages à qui il s’adresse (une caméra miniature se trouve dans un œil et un projecteur dans l’autre).

TRIPLE EXPÉRIENCE DU SPECTATEUR

Dans AREA, chaque public prend part à une expérience spectatorielle différente et le dispositif le dialogue et les interactions entre ces expériences. À noter que la description suivante du projet concerne non pas le projet en l’état actuel, mais notre vision de la version finale du spectacle, qui reste à développer.

  1. L’expérience du public assis à la table 

Huit spectateurs volontaires choisis aléatoirement s’installent autour de la table pour devenir les convives du repas. Le texte de ces personnages est rendu en direct par un seul performeur qui modifie électroniquement sa voix pour chacun et l’assigne à son haut-parleur associé. Le performeur-voix module ses intonations en fonction de l’attitude corporelle de chacun (ex.: enjoué, ennuyé). Ces spectateurs peuvent apprécier les moindres détails de l’installation, dont certains ne s’adressent qu’à eux seuls, par exemple : projections ciblées, petits objets révélés par les plateaux du castelet électronique qui s’élèvent dans un axe vertical (une dizaine sur la table), écrans placés sous les assiettes transmettant le repas et des consignes libres les engageant dans des situations cocasses. De plus, ces spectateurs peuvent observer 4 écrans au centre de la table diffusant le regard de Domitien et parfois le montage réalisé en direct pour l’expérience en ligne.

  1. L’expérience des gradins 

Dans une perspective de proximité, les 60 à 70 spectateurs dans les gradins bifrontaux (cette disposition demeure à tester), situés de part et d’autre de la table, ont non seulement accès à l’ensemble du festin et aux réactions des spectateurs-personnages, mais aussi à un écran surplombant l’installation. Cet écran non visible de la part des spectateurs-personnages retransmet les images du « valet » (une caméra-personnage qui se promène au-dessus du dispositif à l’aide de quatre câbles motorisés). L’écran rend compte de la fascinante construction visuelle de la table faisant écho à la poésie littéraire de Gauvreau en s’inspirant de la poésie visuelle des peintres automatistes qui l’ont grandement influencée. L’ambiance et l’énergie de ces œuvres sont recréées par le dessin numérique live, l’éclairage en mapping vidéo et les castelets qui sculptent, colorent et donnent du mouvement à l’espace fixe de la table.

  1. L’expérience en ligne

Les spectateurs en ligne assistent en première personne au spectacle par la perspective du regard de Domitien. Un logiciel traite les images en direct et illustre fidèlement l’imaginaire du personnage, les didascalies immontables du texte. Ainsi, ils assistent à une version cinématographique où Domitien cible des éléments précis et transforme la réalité par son imaginaire. Pour ce faire, nous employons des caméras supplémentaires qui nous permettent de tout filmer, même les plus petits détails (ex.: deux raisins se font des clins d’œil), puis nous utilisons un logiciel pour traiter les images en direct et illustrer les didascalies loufoques. Ces spectateurs, comme les autres, ont donc accès à une expérience unique de l’œuvre. 

 

POSTURE LIVE

Nous développons une posture live et performative dans tous les aspects du projet : 

  • Nous choisirons différents modules (« scènes ») à présenter les soirs de représentations, d’où notre désir d’en créer trois nouveaux.
  • En plus d’incarner la voix de chaque convive, le performeur-voix crée en direct des ambiances sonores pour chaque module grâce à des loops vocales.
  • Les spectateurs-personnages pourront participer à l’ambiance sonore en activant un dispositif interactif (Makey Makey) à certains moments précis de l’expérience.
  • La construction visuelle de la table s’effectue, entre autres, par du dessin numérique live.
  • Toute la captation d’images vidéos des spectateurs-personnages, des objets. 

 

LE COLLECTIF

Le DTT se consacre à proposer de nouvelles expériences spectaculaires favorisant un échange créatif et ludique avec le public. C’est d’abord en s’intéressant à la remise en question des évidences sociales que nous avons développé notre mandat d’amener le spectacle dans la tête du spectateur. En fait, nous invitons le public à adopter une posture performative : il se questionne et s’amuse à comprendre « la machine interactive » qu’est le dispositif technologique de chaque projet.

En un sens, le public crée lui-même le spectacle auquel il assiste en expérimentant les règles de jeu. Il devient « spectacteur », soit en prenant directement part à l’action, soit en imaginant l’ensemble des actions possibles qu’il pourrait accomplir, le tout sur une base à la fois inévitable et volontaire. Notre intention est que le spectateur, en quittant nos spectacles, continue à s’imaginer tous les choix qui s’offraient à lui. Certains peuvent y assister même plusieurs fois afin de provoquer de nouvelles interactions.

Cette démarche se manifeste ainsi dans AREA : Le spectateur assis à la table devient le « héros », l’acteur muet du spectacle. Bien que des consignes libres lui sont visuellement transmises pour créer toutes sortes de situations cocasses, chacune de ses actions possibles (incluant sa non-action) se veut intégrée dans l’expérience. Notre objectif est que l’œuvre, toujours en évolution, soit une expérience personnalisée pour chacun. Ultimement, selon le personnage endossé, le spectateur vivra une expérience différente : la voix, les répliques, les images ciblées et les consignes sont différentes pour chacun.

L’ÉQUIPE DE CRÉATION

Direction artistique – Arielle Cloutier, Thomas Langlois et Michael Larraguibel

Conseil artistique – Robert Faguy

Assistance à la création – Jade Gagnon

Voix – Thomas Langlois

Vidéo – Arielle Cloutier et Keven Dubois

Lumière et robotique – Keven Dubois

Son – Thomas Langlois et Thomas Rieppi

Expérience en ligne – Michael Larraguibel

Scénographie – David Mendoza

Accessoires – Claudelle Houde-Labrecque, Julie Meschine et David Mendoza Hélaine

LE SPECTACLE
Avec la bénédiction de la personne propriétaire des droits d’auteur de l’œuvre, nous avons fait un rebrassage dramaturgique avec un travail d’échantillonnage et de collage selon les grandes thématiques présentes tout en respectant l’esprit, la rythmique et la trame générale du texte. Actuellement, cette trame s’organise en quatre modules (scènes) dont chacun est introduit par le service d’un plat virtuel nous plongeant à la fois dans différents univers visuels et sonores de plus en plus loufoques (ex. pour l’instant : univers marin pour les écrevisses, jungle pour le dinosaure, pique-nique pour la coquerelle, etc.) :

STRUCTURE

1) Entrée

Découverte des différents personnages que les spectateurs vont endosser : ces derniers se présentent et trinquent ensemble.

2) Premier service : écrevisses 

Dégustation de l’univers marin inspiré de l’imaginaire de Gauvreau.

3) Échanges

Discussions « mondaines » entre les personnages.

4) Deuxième service : dinosaure

Dégustation de l’univers sauvage inspiré de l’imaginaire de Gauvreau.

5) Module enfants

Course automobile sur la table, entre les personnages.

6) Troisième service : tarte à la farlouche

Séance de trinquage entre les personnages : célébration, entre autres, du théâtre.

7) Module exploréen

Ode à la poésie : plusieurs personnages déclament de courts récitals, de nombreux toasts et s’emportent dans un tourbillon sonore et visuel exploréen.

8) Finale : mort de Domitien

Le spectacle se termine sur une montée dramatique importante qui culmine avec la décapitation de l’hôte, Domitien d’Olmansay, par l’Intrus (relayé par le serviteur).

Autres modules, à créer / peaufiner :

Module sexuel

Construction de relations amoureuses entre les personnages dans une montée graduelle de passion jusqu’à l’orgasme, exprimée à travers différents objets de la table qui s’animent par la vidéo et le castelet électronique (à peaufiner).

Module mondain (à créer)

ÉLÉMENTS

Les voix

Le texte des huit personnages est rendu en direct par un seul performeur qui modifie électroniquement sa voix à chaque changement de réplique et assigne celle-ci au haut-parleur du spectateur concerné, qui peut ainsi réagir de manière gestuelle au contenu du texte. S’ensuit une interaction avec le performeur qui peut moduler ses intonations en fonction de l’attitude corporelle des spectateurs (ex. : enjoué, ennuyé). 

Les spectateurs des gradins peuvent maintenant apprécier son travail hautement performatif du haut de son podium surplombant la table.

Univers sonore interactif

L’ambiance sonore générale se construit aussi en direct à partir de la voix du performeur et des éléments mécaniques présents dans l’installation, mais aussi par des dispositifs interactifs (senseurs, micros-contacts…) que le spectateur peut déclencher pour activer des traitements sonores à certains moments précis de l’expérience. 

La table

Le dispositif est composé essentiellement d’une table en plexiglas et de huit chaises où sont assis les spectateurs. Comme centre de table, une surface avec 4 écrans retransmet le regard de l’hôte (caméra placée dans l’œil de la marionnette-gorille et sur certains mini-gorilles placés sur la table qui filment de près certains accessoires miniatures ou des personnages). Le masque gorille de Domitien est activé par une plateforme robotisée lui permettant de tourner la tête en direction des personnages à qui il s’adresse (un haut-parleur ultradirectionnel se trouve dans sa bouche). 

Sur la table sont placés une dizaine de plateaux du castelet électronique (10cm x 10cm) qui bougent dans un axe vertical et qui font apparaître certains accessoires cachés. Les plateaux peuvent également activer certains mouvements d’accessoires comme cette scène où un dinosaure miniature s’élève du centre de table et affronte un oiseau. 

Au-dessus de la table (à env. 2m), une sorte de « valet » mobile à chapeau (comprenant des composantes sans fil telles une caméra elle aussi robotisée, de l’éclairage et un mini haut-parleur) circule par quatre câbles motorisés. Le performeur s’en sert pour faire apparaître des accessoires qui voyagent d’un bout à l’autre de la table. C’est aussi cette caméra qui construit le film présenté aux spectateurs dans les gradins sur les écrans surplombant la table.

Lumière et vidéo 

L’ensemble de l’éclairage (sur des personnages en action ou sur des accessoires) est réalisé en mapping par deux projecteurs vidéo placés au-dessus du dispositif. Aussi, certaines projections sont réalisées en direct (dessins sur la table, traitements des images captées en direct-regard de Domitien ou de la caméra robotisée du serviteur placé sur l’étagère à câbles). De plus, les écrans placés sous les assiettes devant les spectateurs retransmettent du texte à lire et incitent ceux-ci à faire des actions au cours du repas pour créer toutes sortes de situations cocasses entre les personnages. 

RETOUR

Les Chantiers / constructions artistiques, Carrefour international de théâtre, Québec

 

Premier Acte, Méduse

Alain-Martin Richard (/fr/auteurs/alain-martin-richard)

 

Les Chantiers / constructions artistiques au Carrefour international de théâtre : Voyons voir.

Les chantiers sont un espace réservé à l’expérimentation et à l’échange entre artistes et public. Ces constructions artistiques autour des arts de la scène peuvent ici vérifier leur viabilité, consolider des pistes de travail, élaguer, réorienter. Des 112 projets présentés à ce jour, de très nombreux ont ensuite vu le jour sur les scènes de Québec et en tournée. Mentionnons entre autres L’Incroyable légèreté de Luc L. (Philippe Soldevilla), Norge (Kevin McKoy), Le NoShow (Alexandre Fecteau), L’Affiche (Philippe Ducros). L’équipe des chantiers offre cette année une quinzaine d’évènements. En voici quelques-uns. 

Comme technodramaturgie, Rose enfer des animaux, du collectif Dans ta tête, est un objet étrange et plutôt fascinant construit à partir du téléthéâtre cosmique de Claude Gauvreau (1958), jamais monté à ce jour. Nous sommes conviés à un banquet pour huit personnes. Les convives portent un masque d’animal et prennent place autour d’une table technologique remplie d’écrans, de fils et d’accessoires surréalistes encastrés dans la table, ou posés comme des bibelots autour de nous : plantation de champignons, dinosaure avec queue végétale, etc. Cette machinerie complexe opérée à partir d’une console met en branle des mécanismes divers répondant aux voix de synthèse qui interprètent le texte surréaliste, exploréen, construit en rupture de sens et enchaînant des images comme autant de flashs déroutants. Les invités peuvent intervenir, s’insérer dans le jeu en assumant le personnage qui leur est attribué. Le dispositif technomécanique interactif est conçu à partir des didascalies précises dont Gauvreau a truffé son texte. Une description est ici impossible, mais retenons que Rose enfer des animaux propose une expérience esthétique exceptionnelle. On peut déjà déceler tout le potentiel qu’offre un tel dispositif. On l’imagine en résidence pour une longue durée, ce qui permettrait de réaliser le téléthéâtre dans son ensemble. Voici un objet performatif unique d’une fascinante bizarrerie (1).

(1) Ce projet était présenté dans les Activités satellites, autre volet du Carrefour de théâtre.

Publié le 6 juin 2018.

 

(Extraits des premières lignes de l’article sur esse arts + opinion.)

CONCERNANT L’EXTRAIT VIDÉO PRÉSENTÉ PLUS BAS : il s’agit d’un extrait de la diffusion sur Zoom du laboratoire d’AREA, du 5 au 7 février 2021, dans le cadre du Mois Multi, Qc. Celui-ci mettait surtout en valeur le regard de l’hôte Domitien, que le public en ligne pouvait apprécier.